L’objectif de cette recherche était de mettre à l’épreuve du terrain une nouvelle technique d’audition destinée à améliorer les souvenirs des témoins : la technique de l’entretien cognitif. Les fondements théoriques de cette technique sont issus de certains modèles de la mémoire humaine, et plus particulièrement à partir de l’hypothèse de l’encodage spécifique de Tulving et du concept de contexte. L’entretien cognitif, initialement développé aux États-Unis, comprend quatre consignes que l’interviewé est invité à utiliser au cours de l’entretien : 1 / se remettre mentalement dans le contexte des faits criminels ; 2 / rappeler le maximum de détails, même s’ils apparaissent peu importants ou associés à un niveau de certitude moindre ; 3 / rappeler la scène dans un ordre chronologique différent, et 4 / rappeler la scène selon différentes perspectives. La présente étude a été conduite en collaboration avec des officiers français de police dans le but de tester l’efficacité de l’entretien cognitif pour améliorer les souvenirs de témoins. Cette nouvelle technique a été comparée avec : 1 / des entretiens standards de police correspondant aux procédures habituelles d’audition, et 2 / des entretiens “ structurés ” correspondant à des entretiens standards de police corrigés (davantage d’importance accordée au rappel libre, meilleure formulation des questions, etc.). Les résultats indiquent, d’une part, une bonne applicabilité de l’entretien cognitif sur le terrain (assimilation correcte de la technique par les policiers, pas de coût supplémentaire en termes de durée des auditions) et, d’autre part, une importante efficacité de la technique du point de vue des souvenirs rapportés par les témoins, y compris après transcription sur procès-verbal. L’entretien cognitif permet non seulement de recueillir davantage d’informations correctes, mais il améliore aussi la qualité générale des récits (proportion d’informations correctes rappelées par rapport à la quantité totale de détails rapportés). Ces observations permettent d’envisager une généralisation de la technique de l’entretien cognitif sur le terrain, auprès du monde judiciaire. Elles permettent également de concevoir l’application de ce nouvel outil dans d’autres domaines dans lesquels des témoignages sont impliqués, tels celui des accidents du travail ou celui de la santé.