Effect of visuo-manual configuration on a telerobot integration into the body schema
Effet de la configuration visuo-manuelle sur l’intégration dans le schéma corporel d’un robot téléopéré
Effet de la configuration visuo-manuelle sur l’intégration dans le schéma corporel d’un robot téléopéré
Les expériences sensori-motrices contribuent à l’élaboration d’une représentation mentale du corps, connue sous le nom de schéma corporel. Ce modèle interne informe plus ou moins consciemment l’individu sur les capacités et limites de ses actes moteurs. Il permet en particulier de délimiter l’espace d’action dit péricorporel (c’est-à-dire jusqu’à la limite d’extension maximale des membres), versus l’espace extracorporel (hors du champ de d’atteinte de ceux-ci). Les travaux en neuropsychologie et neurophysiologie ont cependant mis en évidence que le schéma corporel et, par conséquent, l’espace péricorporel, étaient hautement déformables. En effet, les études expérimentales tendent à montrer que les primates humains et non-humains étendent la représentation interne de leur espace péricorporel, comme une conséquence de l’incorporation de l’outil qu’ils manipulent. Une telle plasticité de la représentation de notre corps peut s’expliquer par le fait qu’un artefact, intégré dans la boucle de contrôle sensori-motrice, est assimilé comme étant un élément à part entière de l’organisme. Jusqu’à présent les travaux scientifiques se sont limités à explorer les interactions directes avec des outils simples (tels que des bâtons ou des râteaux). Dans ces conditions, les relations perceptivo-motrices sont relativement évidentes et naturelles pour l’utilisateur. Aussi, le premier objectif de cet article est d’étudier si le schéma corporel peut également être altéré lorsque la corrélation entre les actions motrices et leurs conséquences perceptives est plus complexe, comme dans une situation de téléopération. L’intérêt de la téléopération est de permettre une manipulation aisée et précise les relations de contingences entre l’organe effecteur et le capteur sensoriel. L’un des actes moteurs qui va contribuer principalement à l’élaboration du schéma corporel est l’action de préhension visuellement supervisée. Cet acte implique des relations spécifiques de contingences sensorimotrices, internalisées au cours du développement de l’individu. La deuxième question posée dans la présente étude est de savoir si la manipulation de la relation de contingence visuo-manuelle aura un effet sur les capacités de l’humain à intégrer un bras manipulateur téléopéré dans son schéma corporel. Pour cela, les sujets ont été placés en situation de contrôle à distance d’un bras robotisé. Les mouvements du robot n’étaient perçus qu’indirectement, à travers une caméra reliée à un moniteur vidéo. La caméra était placée à différents angles relativement au bras manipulateur. La procédure consistait à : (i) évaluer les capacités de l’opérateur à estimer l’espace « d’attrapabilité » du bras avant son utilisation, (ii) laisser les participants manipuler le robot afin d’expérimenter les capacités et limites motrices de celui-ci, puis (iii) répéter la tâche d’estimation de l’espace de préhension du bras après entraînement. L’analyse des données montre (i) que la délimitation de l’espace de saisie peut être aussi précise en situation de téléopération qu’en situation naturelle (avec le bras humain), mais (ii) seulement lorsque la relation caméra/bras respecte une configuration anthropomorphique et que l’opérateur est acquis préalablement une expérience motrice du robot. Ces résultats suggèrent une vraisemblable modification du schéma corporel de l’individu qui se traduit par une extension de l’espace péricorporel, lorsque l’architecture topologique du système téléopéré tend à respecter les contingences sensori-motrices de l’homme. Les conclusions de cette étude sont discutées en termes de conséquences pour le design de dispositifs de téléopération, ergonomiquement adaptés à l’opérateur humain.
Mots-clés
- interaction homme-machine
- téléopération
- modèle interne
- espace péricorporel
- plasticité
- boucle sensori-motrice