Cet article s’intéresse aux conditions permettant de soutenir des parcours professionnels en santé et en compétence. Cela conduit l’ergonomie à préciser les modalités d’intégration d’une dimension diachronique à son analyse et à formaliser, en amont, sa conception du temps. La prise en compte de l’activité conduit à considérer les parcours professionnels non pas comme une simple succession de postes, mais également comme un accroissement du temps vécu. Les parcours se configurent dans la combinaison de temporalités, à la croisée de temps sociaux porteurs de modèles de développement des institutions et des personnes, et de temps individuels, biologique et psychologique. Cette perspective induit une conception plurielle du temps, à la fois subi et construit, quantitatif et qualitatif, individuel et collectif. Elle donne alors pouvoir aux personnes et aux collectifs de produire du temps.
Toutefois, les formes actuelles d’organisation du travail sont marquées par un processus d’intensification. Structurées sur la performance immédiate, elles s’inscrivent dans un présentisme opérant une rupture avec le passé ou la valorisation de l’expérience, et avec le futur, vécu par les travailleurs comme un perpétuel ajustement au présent. Ce présentisme empêche l’élaboration d’un parcours assurant une continuité entre passé, présent et futur. Les collectifs de travail peuvent interférer dans cette conception du temps, en produisant des règles permettant d’assurer cette continuité. L’activité qui donne pouvoir d’élaborer un parcours constructif est alors celle qui permet de faire histoire, de circuler entre champ d’expérience et horizon d’attente. L’analyse ergonomique du travail, en intégrant les temps multiples, participe à un projet d’écologie temporelle où temps sociaux et temps individuels s’épauleraient mutuellement. Cette analyse vise alors à mettre au jour ces temps multiples, à les mettre en débat et à rendre disponibles passé et futur dans l’activité.