What Work and Organizational Psychology under Capitalism? Spinozian Approach and the Hypothesis of Structural Alignment
Quelle psychologie du travail et des organisations sous le capitalisme ? Approche spinozienne et hypothèse d’un alignement structurel
La psychologie du travail et des organisations (PTO) possède dans ses objectifs des finalités aujourd’hui prétendument complémentaires, à savoir celles relatives aux conditions des travailleurs et celles relatives à la productivité. Nous considérons pour notre part que les objectifs de productivité sont grandement préjudiciables pour les objectifs humains. Nous disons également, dans la lignée des travaux existants, que la recherche en PTO est fortement influencée par l’idéologie néolibérale, notamment ses traits relatifs à la gestion affective individuelle, à l’impératif de développement personnel et à l’individualisme méthodologique (Adams et al., 2019). Puisque notre discipline est également souvent considérée comme complice dans le soutien au capitalisme (Islam & Sanderson, 2022), nous proposons que la question de l’utilité (sociale) de la PTO soit posée non pas de manière quantitative (dans quelle proportion ?) mais de manière qualitative (à qui ?) puisqu’il semble que ses objectifs soient davantage profitables au système économique capitaliste qu’aux travailleurs.
Le but de cet article est donc, dans une approche spinozienne, de construire les bases d’une hypothèse de l’influence structurelle du capitalisme sur les objectifs de la PTO. Après une présentation des différentes théories spinoziennes et du structuralisme des passions soutenu par Lordon (2013), nous proposons, sur cette base, une clinique affective du psychologue du travail praticien (PTP) afin d’identifier les enjeux affectifs liés à son activité. Cette analyse propose que le PTP soit soumis à 3 conditions objectives d’exercice : (1) Le PTP travaille sous l’approbation – mandat ou embauche – des dirigeants des structures organisationnelles du travail, (2) il n’a aucun pouvoir décisionnel sur la mise en œuvre des recommandations qu’il formulera et (3) le pouvoir d’action de ses commanditaires se limite au cadre organisationnel. Cela aura pour conséquence plusieurs atteintes à son intégrité, notamment scientifique, par une exposition constante à un jeu de séduction, à des injonctions paradoxales et à une politique de la déraison. Ainsi, l’incapacité structurelle du PTP consistant à devoir « trouver la solution, pas le problème » génère chez ce dernier le constat de son impuissance dans sa tentative d’aider l’humain au travail et l’amène progressivement à épouser les objectifs capitalistes au détriment de ceux d’amélioration de la condition des travailleurs.
Les conclusions de notre travail appuient donc l’hypothèse d’un alignement structurel des objectifs du PTP sur les objectifs du capitalisme. Des perspectives empiriques permettant de tester cette hypothèse sont proposées. Une discussion sur les objectifs possibles de la PTO sous le capitalisme est ouverte et un débat disciplinaire espéré et encouragé.
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