Alors que la recherche en sciences cognitives s’est focalisée sur l’identification de systèmes efficaces pour guider les piétons aveugles, peu d’études ont examiné les stratégies de navigation dans leur ensemble, prenant en compte l’articulation entre la phase de préparation et la phase d’exécution de l’itinéraire. La présente étude a cherché à aborder cette question, en s’appuyant sur la perception spatiale, la cognition spatiale et la navigation humaine. L’étude exploratoire présentée ici vise à étudier de façon fine les besoins et les stratégies (heuristiques et procédures) que les piétons non-voyants mettent en oeuvre au cours d’une activité de navigation dans un environnement urbain inconnu. Six participants non-voyants ont préparé et réalisé un parcours de deux kilomètres en ville. Ce parcours a été divisé en segments, correspondant à chaque intervalle entre chaque point de réorientation. Les participants ont été divisés en trois groupes, en fonction de la manière dont la phase de préparation de l’itinéraire était réalisée : avec des aides technologiques uniquement, avec l’assistance d’une tierce personne, ou bien sans aucune préparation. Les demandes en information des participants et les verbalisations ont été enregistrées avant et pendant la navigation, ainsi qu’au cours d’un entretien individuel mené à l’issue du trajet. Le contenu de ces demandes d’information a été analysé sous l’angle du degré d’anticipation qu’elles reflétaient. Le degré d’anticipation correspond au nombre de segments qui sépare le point où le participant se trouve et l’endroit sur lequel il cherche des informations. Les résultats ont révélé l’influence des habitudes de planification du déplacement (préparation sans aide humaine, préparation avec aide humaine, ou sans préparation du tout) sur les stratégies qui ont été adoptées et sur les besoins en information nécessaires. En outre, les résultats ont souligné que certaines ressources (par exemple, les autres piétons) et certaines contraintes (par exemple, temporelles) sont mobilisées et prises en considération par tous les participants. Inversement, d’autres ressources (par exemple, l’utilisation de l’outil de navigation spécifique) et contraintes (par exemple, l’anxiété) varient en fonction des habitudes de planification adoptées par les participants. Cette étude nous permet de formuler des recommandations concernant la conception des aides à la navigation pour les piétons non-voyants, qui permettraient d’améliorer l’acceptabilité de ces outils par cette population.